L’esprit de la médiation humaniste – Jacqueline Morineau

Texte de Ginette Debuyck inspiré des textes de Jacqueline Morineau 2016.

Comment toucher l’âme ?

Pour Jacqueline Morineau Judith Viorst, « Les renoncements nécessaires », Ed Laffont, 1988, chaque être humain cherche à trouver sa place dans la société et dans le monde qui l’entoure. Malgré ce besoin de réaliser son aspiration à l’unité, au beau, au bien, au juste, à la vérité, à la liberté,… à des valeurs profondes et universelles, il fait face à l’autre, il bute et rencontre le(s) conflit(s). Lors de sa longue pratique de la médiation, particulièrement dans le domaine pénal, point de rencontre de toutes les contradictions et les souffrances humaines,  elle observe que le processus de médiation , basé sur la volonté des médiants, a permis de mieux répondre à la demande qui se situe, autrement qu’ au niveau de la résolution du conflit, plutôt à un niveau supérieur. La médiation permet la rencontre de la confusion, du conflit  voire du chaos. Elle est la scène sur laquelle le drame du conflit va se dérouler. Le conflit s’observe dans une relation d’opposition et entraîne souvent une rupture de la relation qu’elle soit d’amitié, d’amour, de voisinage,… Or, la séparation est sans doute la plus grande souffrance vécue par l’humain, et ceci, dès sa naissance, et, l’entraine vers des renoncements nécessaires. (Judith Viorst, « Les renoncements nécessaires », Ed Laffont, 1988)

Le processus de médiation humaniste se déroule selon la forme de la tragédie grecque, en trois phases : « la theoria, la crisis et la catharsis » pour laisser la place, le temps et l’espace au vécu et à la transformation de la souffrance qui est toujours liée à une injustice vécue ou ressentie et au désordre qu’elle va provoquer.

Sans ordre, il est impossible de co-exister et les systèmes humains ont instauré le rôle de la Justice, garante du respect de l’ordre, des droits fondamentaux et de l’équité. La question clé est de définir « l’ordre » et de rétablir ce qui semble « juste «  pour chacun. Doit-on alors se plier, se référer à une décision imposée pour retrouver un équilibre ? L’essence de la médiation est de parier sur la capacité de chacun à se transformer au lieu de se focaliser sur la recherche de « solution » au conflit centrée uniquement sur le résultat. Ceci est sans exclure une possible réparation matérielle. La médiation devient un véritable projet de société qui dépasse le champ pénal.
En conclusion des expériences de médiations deux axes se dessinent de façon limpide dans la demande de justice des plaignants :
D’un côté, une demande «  pratique » : la nécessité du respect des normes sociales, la reconnaissance et la réparation des faits perturbateurs.
De l’autre, une demande « éthique » : la reconnaissance du besoin d’accomplissement de la personne dans sa complétude.
Pour Jacqueline, la médiation s’inspire de la conception globale de l’homme élaborée par la sagesse des Anciens : chercher à trouver l’harmonie « corps, âme, esprit » en réponse à l’homme fragmenté, victime de ses propres contradictions. L’Humain conçu en tant qu’Un. C’est un chemin de connaissance de soi-même, de vérité qui ouvre à la rencontre authentique avec les autres. C’est une nouvelle forme de relation qui peut permettre à chacun de s’épanouir dans sa dimension ontologique, éthique et civique. Elle offre une éducation à mieux vivre avec soi-même et avec les autres. C’est un processus d’art de vivre au quotidien.
La médiation est formative et éducative, permettant à chacun, quel que soit son origine sociale ethnique, son statut, son rôle, … etc. d’être le créateur et l’acteur de son propre devenir.
Dans la pédagogie de la formation, les stagiaires sont confrontés, durant deux jours intenses, à la transmission via un enseignement pratique. À partir de conflits vécus, proposés par les stagiaires, chacun va, pas à pas, soutenu par le groupe, apprendre à se rencontrer lui-même. Ce vécu répété lors de mises en situation réelles de médiation, fondées sur l’histoire de chacun, permet d’acquérir, peu à peu, pas à pas, la capacité de rencontrer les personnes en conflit avec leur souffrance. Les stagiaires développent un savoir-faire et un savoir-être résultant d’une transformation personnelle. Ils peuvent alors devenir « médiateurs », des passeurs d’une rive à l’autre, celle de la guerre à celle de la paix. La formation est à la portée de tous, sans « théorie » de la médiation, une non- méthode, basée sur l’expérience vécue du processus de la médiation humaniste.

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